Atlas ou le gai savoir inquiet
L'œil de l'histoire, 3
-
ByGeorges Didi-Huberman (Author)
Ebook
À quiconque s’interroge sur le rôle des images dans notre connaissance de l’histoire, l’atlas Mnémosyne apparaît comme une œuvre-phare, un véritable moment de rupture épistémologique. Composé – mais constamment démonté, remonté – par Aby Warburg entre 1924 et 1929, il ouvre un nouveau chapitre dans ce qu’on pourrait nommer, à la manière de Michel Foucault, une archéologie du savoir visuel. C’est une enquête « archéologique », en effet, qu’il aura fallu mener pour comprendre la richesse inépuisable de cet atlas d’images qui nous fait voyager de Babylone au XXe siècle, de l’Orient à l’Occident, des astra les plus lointains (constellations d’idées) aux monstra les plus proches (pulsions viscérales), des beautés de l’art aux horreurs de l’histoire.
Ce livre raconte, par un montage de « gros plans » plutôt que par un récit continu, les métamorphoses d’Atlas – ce titan condamné par les dieux de l’Olympe à ployer indéfiniment sous le poids du monde – en atlas, cette forme visuelle et synoptique de connaissance dont nous comprenons mieux, aujourd’hui, depuis Gerhard Richter ou Jean-Luc Godard, l’irremplaçable fécondité. On a donc tenté de restituer la pensée visuelle propre à Mnémosyne : entre sa première planche, consacrée à l’antique divination dans les viscères, et sa dernière, hantée par la montée du fascisme et de l’antisémitisme dans l’Europe de 1929. Entre les deux, nous aurons croisé les Disparates selon Goya et les « affinités électives » selon Goethe, le « gai savoir » selon Nietzsche et l’inquiétude chantée dans les Lieder de Schubert, l’image selon Walter Benjamin et les images d’August Sander, la « crise des sciences européennes » selon Husserl et le « regard embrassant » selon Wittgenstein. Sans compter les paradoxes de l’érudition et de l’imagination chers à Jorge Luis Borges.
Œuvre considérable de voir et de savoir, le projet de Mnémosyne trouve également sa source dans une réponse d’Aby Warburg aux destructions de la Grande Guerre. Non content de recueillir les Disparates du monde visible, il s’apparente donc à un recueil de Désastres où nous trouvons, aujourd’hui encore, matière à repenser – à remonter, poétiquement et politiquement – la folie de notre histoire.
Table of contents
| Couverture | 1 |
|---|---|
| Titre | 5 |
| Copyright | 6 |
| Exergue | 7 |
| I - DISPARATES « LIRE CE QUI N’A JAMAIS ÉTÉ ÉCRIT » | 9 |
| L’INÉPUISABLE, OU LA CONNAISSANCE PAR L’IMAGINATION | 11 |
| HÉRITAGE DE NOTRE TEMPS : L’ATLAS MNÉMOSYNE | 17 |
| VISCÉRAL, SIDÉRAL, OU COMMENT LIRE UN FOIE DE MOUTON | 22 |
| FOLIES ET VÉRITÉS DE L’INCOMMENSURABLE | 33 |
| TABLES À RECUEILLIR LE MORCELLEMENT DU MONDE | 46 |
| HÉTÉROTOPIES, OU LES CARTOGRAPHIES DU DÉPAYSEMENT | 59 |
| LÉOPARD, CIEL ÉTOILÉ, VARIOLE, ÉCLABOUSSURE | 70 |
| II - ATLAS « PORTER LE MONDE ENTIER DES SOUFFRANCES » | 81 |
| UN TITAN QUI PLOYAIT SOUS LE FARDEAU DU MONDE | 83 |
| DIEUX EN EXIL ET SAVOIRS EN SOUFFRANCE | 96 |
| SURVIVANCES DE LA TRAGÉDIE, AURORE DU GAI SAVOIR INQUIET | 108 |
| « EL SUEÑO DE LA RAZÓN PRODUCE MONSTRUOS » | 115 |
| UNE ANTHROPOLOGIE DU POINT DE VUE DE L’IMAGE | 125 |
| ÉCHANTILLONS DU CHAOS, OU LA POÉTIQUE DES PHÉNOMÈNES | 137 |
| POINTS D’ORIGINE ET LIENS D’AFFINITÉ | 148 |
| ATLAS ET LE JUIF ERRANT, OU L’ÂGE DE LA PAUVRETÉ | 162 |
| III - DÉSASTRES « LA DISLOCATION DU MONDE, VOILÀ LE SUJET DE L’ART » | 175 |
| TRAGÉDIE DE LA CULTURE ET « PSYCHOMACHIES » MODERNES | 177 |
| EXPLOSIONS DU POSITIVISME, OU LA « CRISE DES SCIENCES EUROPÉENNES » | 193 |
| WARBURG DEVANT LA GUERRE : NOTIZKÄSTEN 115-118 | 212 |
| LE SISMOGRAPHE EXPLOSE | 231 |
| TABLES D’ORIENTATION POUR REVENIR DU DÉSASTRE | 247 |
| L’ATLAS D’IMAGES ET LE REGARD EMBRASSANT (ÜBERSICHT) | 255 |
| L’INÉPUISABLE, OU LA CONNAISSANCE PAR LES REMONTAGES | 272 |
| NOTE BIBLIOGRAPHIQUE | 297 |
| TABLE DES FIGURES | 299 |
| INDEX BIBLIOGRAPHIQUE | 305 |
| Table des matières | 381 |
| Justification | 384 |
Accessibility
No accessibility data available for this publication.
Author biographies
About Georges Didi-Huberman
Georges Didi-Huberman est né en 1953. Historien de l'art et philosophe, il enseigne à l'École des hautes études en sciences sociales. Il a reçu en 2021 le Prix spécial Walter Benjamin pour l'ensemble de son œuvre.




